B) Un véritable combat au sein du marché de l’écoute musicale: les grands du streaming

 

Le marché du streaming musical à travers le monde étant très inégalement réparti , nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement au marché français. 

 

Les deux acteurs historiques du streaming musical sont le suédois Spotify et le français Deezer. L’un créé en août 2006, l’autre en octobre 2007, ils ont connu un développement à différentes vitesses. Spotify revendique aujourd’hui 75 millions d’utilisateurs à l'échelle mondiale, dont 20 millions d'abonnés, tandis que Deezer en revendique 16 millions, toujours à l'échelle mondiale, dont 6 millions souscrivant à l'offre payante (Premium). En France, le streaming touche aujourd'hui 5% de la population, soit 3 millions de personnes. Ce chiffre devrait passer à 4 millions au cours de l'année 2016. 18 milliards de titres y ont été écoutés en 2015, soit une hausse de 50% par rapport à 2014. 42% des internautes français connaissent et profitent du streaming musical.

A sa création, Deezer, qui s’appelait alors Blogmusic, était une sorte de streamer, de juke box, créé par Daniel Marhely, qui lui permettait de partager sa musique avec ses amis. Mais le potentiel de ce système a très vite été découvert, puis exploité à des fins commerciales. Au début, les droits d’exploitation n’étant pas reversés, on était face à une forme de piratage, même si la musique ne pouvait pas être téléchargée. Deezer a alors entamé des discussions avec la SACEM (organisme chargé de défendre la rémunération des artistes et de leur reverser une part des profits des ventes de leur musique), puis avec Sony Music, puis progressivement avec toutes les maisons de disques, pour acquérir les droits d’exploitation de leurs catalogues musicaux. Il est important de savoir qu’au commencement de ces plateformes d’écoute en ligne, il n’existait aucune offre payante, la rémunération des maisons de disques se faisait uniquement grâce aux revenus issus de la publicité. L’offre payante n’a été lancée qu’une fois le véritable essor de ces services du streaming musical.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A une offre quasiment similaire et un prix identique, l’investissement publicitaire massif de Spotify s’est avéré payant pour distancer son concurrent Deezer à l’échelle mondiale. De plus, la création d’une application spotify pour ordinateur a permis aux utilisateurs d’accéder aisément à leur musique, tandis que Deezer persistait à proposer son offre uniquement sur son “player”, sur son site internet. Les multinationales de la high-tech n’ont pas perdu leur temps pour se positionner sur ce “marché très juteux”. En 2014, le streaming connaît une croissance de 33%, selon Le Monde, alors que les autres supports d’écoute musicale sont en chute libre, y compris le téléchargement par internet, en recul de 13%, toujours selon Le Monde. Contrairement à Deezer et Spotify, Youtube n’est pas compté comme streamer musical, mais comme hébergeur, ce qui lui permet de ne reverser qu’une infime partie de ses revenus aux artistes et évite toute poursuite judiciaire, grâce à un statut juridique particulier. Deezer et Spotify, quant à eux, se veulent des éditeurs de service. En effet, Deezer n’est pas qu’un simple juke box, il recommande aussi de la musique au consommateur en fonction de ses goûts, grâce à un système d’algorithmes très développés. Le streaming propose une nouvelle conception de la musique: le streaming est un service personalisé, l'experience musicale est différente pour chaque indivudu. pour Ludovic Pouilly (cf. interview), les deux entreprises (Deezer et Spotify) ont des stratégies de développement très différentes. En France, le marché est largement dominé par Deezer, qui détient autour de 60% du marché selon lui, en raison de son image auprès des consommateurs, plus perçue comme une réussite à la française plutôt qu’une multinationale de la musique. “Deezer est devenu la marque musique en France” (Ludovic Pouilly- cf interview). Cela lui permet de gagner la confiance de la majorité des consommateurs français. De plus, le site, présent dès 2007 en France, s’est fait connaître rapidement en France, tandis que Spotify n’a lancé son offre en France qu’en 2010. Enfin, Deezer a très vite choisi comme croissance de stratégie une fusion, très novatrice à  l’époque, avec le leader français de la télécomunication, Orange, en 2010. Ludovic Pouilly, chargé de cette opération, nous explique que cette idée était très novatrice à l’époque. Le projet consistait à inclure un service de streaming musical dans les abonnements de ses clients. Pour lui, l’avenir de la musique reposait sur le streaming, contrairement à d’autres opérateurs, comme SFR, qui avaient parié sur le téléchargement. Aujourd’hui, il n’y aucun doute, les prévisions de SFR ont été un véritable échec, la part du téléchargement dans les revenus du numérique ayant chuté de 13% entre 2013 et 2014. Plus tard, SFR a tenté d'imiter Orange pour rattrapper son concurrent, mais son contrat avec Napster a convaincu très peu d’abonnés. Bouygues Telecom a, de son côté, réussi à signer un contrat avec Spotify, ce qui le met en concurrence directe avec Orange. Au début, plus de la moitié des abonnés à Orange ignoraient totalement l’existence d’un service d’écoute musicale inclus dans l’abonnement, soit plusieurs millions de titres gratuits. Ensuite, grâce à la communication d’Orange, le nombre d’actifs a considérablement augmenté. Cette série de contrats a permis de développer fortement le marché du streaming musical en France.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Ludovic Pouilly, le vrai concurrent de Deezer en France n'est pas Spotify, mais avant tout Itunes, qui détenait jusqu’à l’apparition du streaming un monopole sur le téléchargement de musiques. Mais Google est aussi un concurrent majeur selon lui, avec son site mondialement connu YouTube, qui permet une écoute illimitée de contenus vidéos et musicaux. Cependant, ces deux concurrents ne sont pas des “pure player”, c’est-à-dire que le streaming n’est pas leur seule activité, contrairement à Deezer ou Spotify. En effet, l’actvité principale d’Apple est de vendre des Iphone ou autres mac, tandis que celle de YouTube (Google) est de vendre de l’espace publicitaire (50% du marché mondial de la pub). C’est sur ces produits qu’ils font leur plus grande marge; la musique n’est pas une activité essentielle pour eux, ce n'est qu'une branche de leurs activités. L’activité de Deezer ou de Spotify, quant à elle, ne dépend que de la musique. De plus, ils n’ont pas les mêmes leviers d’action que Apple ou Google, qui possèdent plusieurs dizaines de milliards d’euros en banque. “S’il le voulait, Apple pourrait s’acheter toute la musique du monde” (Ludovic Pouilly).

 

La concurrence au sein du marché s’est accrue depuis Juin 2015, où Apple s’est à son tour lancé dans le streaming musical en lançant son service de streaming AppleMusic. L’image de marque d’Apple et la mise en avant de son service sur tous ses appareils lui a permis de fidéliser 8 millions de clients (décembre 2015-analyse Mark Mulligan). Youtube a aussi lancé une offre payante, uniquement disponible aux Etats-Unis pour le moment, Youtube Red.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On peut donc dire que le marché de l’écoute musicale est un marché très fragmenté: au sein même du marché numérique de l’écoute musicale, le marché est très divisé en fonction des pays. L’arrivée du géant Apple dans le streaming musical en juin 2015 a d’autant plus divisé le marché, mais la croissance continue de ce marché ne réduit pas les revenus de ce marché. L'année 2015 a été une année très réussie pour le streaming, qui a vu son chiffre d'affaires augmenter de 45% (100 millions d'euros), ce qui lui représente 55% des revenus numériques; L'année 2015 a aussi été marquée par la mise en ligne de nouveaux catalogues, rendus accessibles par les artistes, tels que les catalogues musicaux des Beattles, d'ACDC, ou de Led Zeppelin.