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       A) L'arrivée du streaming entraine des changements pour l'artiste

L’émergence du streaming musical est une réelle (r)évolution du marché en général, à la fois pour l’artiste, les maisons de disques produisant ces professionnels, ainsi que pour les distributeurs physique (Fnac, Amazon…). De nouveaux intervenants sont apparus, d’abord des distributeurs dématérialisés (Apple vendant des chansons ou des disques on-line sous format MP3 et non plus sous forme de vinyles ou de CD, directement en magasin ou par correspondance), puis un pas de plus avec la « location » et non plus la « cession » d’un morceau, avec les plateformes de services fonctionnant par abonnement (Deezer, Spotify, Qobuz...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         1.1. Une structure de rémunération différente  :

 

La rémunération de l’artiste est au centre de cette évolution majeure des dernières années, avec l’apparition du streaming musical. L’artiste reste rémunéré en fonction du nombre de titres écoutés ou téléchargés (le plus souvent au travers de la plate-forme iTunes, abstraction faite du piratage) ; il l’est aussi pour les concerts qu’il pourra donner avant ou après la sortie d’un  nouvel album, ou s’il bénéficie d’une forte audience, à l’occasion de tournées entre deux albums. Il l’est enfin via l’exploitation de son œuvre (passages à la radio, utilisation commerciale de sa musique pour des publicités ou en discothèque). 

 

Cette rémunération passe au travers de royalties (ou royautés) qui correspondent aux redevances versées en échange de l’exploitation de sa création, sur laquelle il possède un  droit de propriété. Le pourcentage des profits auxquels ces royalties correspondent est établi lors de la rédaction d’un contrat d’exclusivité liant les interprètes et leurs maisons de disques et varie selon le nombre d’exemplaires vendus. 

 

En moyenne, pour des ventes physiques entre 1 et 50 000 albums, l’interprète reçoit des royalties correspondant à  6,40 % du prix de vente de chaque album. Puis, entre 50 000 et 200 000 exemplaires écoulés, le pourcentage réservé à l’artiste passe à 8%. Enfin, pour plus de 200 000 disques, les  royalties passent à 9%. Bien évidemment, ces royalties ne sont que des moyennes et peuvent donc varier selon le rapport de force menant à l’accord conclu entre l’artiste et son producteur, et donc selon la notoriété de l’artiste. 

 

La notoriété (et donc le potentiel de vente) est « l’arme »  mise en avant par l’artiste pour revendiquer une meilleure rémunération. La notoriété ne dépend pas uniquement de ses ventes d’albums,  mais aussi de ses revenus publicitaires, de ses apparitions dans un show  télévisé ou du nombre de ses followers  sur Facebook. La rémunération est différente pour une vidéo live  d’un concert, tournant plutôt autour de 2% (soit pour un DVD vendu en moyenne autour de 20€, de l’ordre de 60 centimes). A noter que les musiciens d’accompagnement ne reçoivent en général pas de royalties sur les ventes, et cèdent fréquemment leurs droits sur les utilisations.

 

Les royalties  pour des ventes dématérialisées (via le téléchargement numérique) sont variables selon le nombre de téléchargements pour un morceau et le distributeur. Leader sur ce segment du marché, Apple avec son iTunes Store règne sans partage depuis 2004 et reverse environ 4 centimes par morceau vendu (qui le sont généralement à un prix moyen de 99 centimes) aux artistes.

 

Ce système de rémunération s’est vu transformé par l’arrivée des plateformes de streaming telles que Deezer, entreprise française lancée en 2007, Spotify, son concurrent de longue date apparu sur le marché en août 2006, ou plus récemment Apple (Apple Music) et Google (YouTube) qui offrent une palette de services, d’une offre gratuite à une offre « freemium ». Désormais, les artistes sont désormais payés à l’écoute d’un morceau, sachant qu’un morceau est considéré comme écouté lorsque le temps d’écoute a dépassé 30 secondes. Selon des études menées en 2013 par l’entreprise Spotify auprès de ses consommateurs, un seul d’entre eux écoute environ 260 titres d’une durée de 3 minutes par mois (cela donne donc au total 4.7 milliards d’heures d’écoute mensuelle pour 30 millions d’usagers abonnés ou non pour l’entreprise suédoise). Ces chiffres paraissent ahurissants, d’autant plus lorsque l’on sait que le streaming musical en est encore à ses débuts. Un artiste présent sur ces plates-formes touche 0.0001 euros (un centième de centime) par écoute si l’auditeur n’est pas abonné, et 0.004 euros s’il l’est. Cela peut sembler ridicule et dérisoire, mais le nombre d’écoutes (cf. données évoquées précédemment), donc le volume, compense ces faibles prix.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         1.2. De nombreuses contestations :

 

Néanmoins, il est nécessaire de comprendre que les artistes ne touchent pas leur dû directement des plateformes de services ou des distributeurs, mais de leurs maisons de disques. En effet, un service de streaming musical doit reverser une partie des profits réalisés en partie aux  maisons de disques qui elles, décident de ce qu’elles donnent à leurs artistes. Ce rôle d’intermédiaire est grandement critiqué par certains qui remettent en cause la large part prélevée aux distributeurs sans qu’elle parvienne derrière aux artistes, qui reçoivent peu de ce qu’ont récupéré leurs producteurs. 

 

Par exemple, selon Ludovic Pouilly, Head of Institutional & Music Industry Relations chez Deezer,  70% des profits réalisés vont aux ayants-droit, à l’instar des maisons de disques, qui se sont souvent montrés gourmandes envers de petites entreprises comme Deezer à ses débuts lorsque le marché allait mal. A certains moments, Deezer donnait même 130% de ses profits aux ayants-droit  qui exigeaient des avances pour que l’on puisse utiliser leurs catalogues.

 

Les maisons de disques se retrouvent donc avec de gros pourcentages pour finalement donner peu aux artistes. Mais elles se défendent en arguant d’avoir des frais considérables, d’édition, de distribution  et de marketing, au-delà même de la rémunération du risque (seuls quelques artistes édités par la maison de disque « perceront », et beaucoup ne seront pas rentables). Chaque camp se renvoie donc la balle. 

Mais cette opacité dans la redistribution de la valeur a engrangé une certaine méfiance sur le marché. Généralement, l’ignorance de certains artistes sur le mode de fonctionnement du marché les amène à penser que le faible pourcentage qu’ils touchent est en parti à mettre sur le dos des plateformes de services et non leurs producteurs. Cette idée est battue en brèche par la faible rentabilité (voire les pertes) dégagée par des entreprises comme Deezer ou Spotify : l’achat du catalogue auprès de l’éditeur n’est pas compensé par les revenus de la plateforme (achat ponctuel, abonnement ou revenus publicitaires). Seule une croissance des volumes rendra rentable ce modèle économique. 

 

Mais cela n’empêche pas pour autant des artistes tels que Taylor Swift ou Adèle de s’insurger contre cette nouvelle révolution technique en retirant leurs albums des plateformes de streaming. Ces deux artistes peuvent se permettre une telle action tant leurs revenus par la vente physique de disques et de téléchargements est importante, mais cela n’est pas le cas de tout le monde. De plus, cette attitude dessert d’une certaine manière le marché en ralentissant son expansion, alors que les perspectives de profits sont importantes à moyen terme (d’ici trois ans selon Olivier Nusse, directeur d'Universal Music France) ; à plus long terme, le streaming musical représente réellement le futur de la musique.

 

En allant plus loin, Ludovic Pouilly voit même ce geste de révolte de certains artistes comme « égoïste, malsain et irrespectueux envers leurs fans” qui ne peuvent plus accéder aux œuvres musicales de leurs artistes préférés à cause de ce que Ludovic Pouilly qualifie « d’un simple caprice ». Toutefois, dans le magazine Rolling Stone, Taylor Swift se justifie en disant : « je ne veux pas que l’œuvre de ma vie contribue à une expérimentation qui, selon moi, ne rémunère pas équitablement les auteurs, les producteurs, les artistes et les créateurs de cette musique. Je ne veux tout simplement pas perpétuer la perception que la musique n’a aucune valeur et doit être gratuite ». 

 

La question de la rémunération est donc le principal argument de l’artiste.  Plus récemment encore, la chanteuse Adèle a laissé en libre accès sur les services de streaming son single "Hello” avant de rendre finalement inaccessible le reste de l’album.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, cette obstruction à l’accès de certains albums sur les plateformes de services est facile pour des stars, moins pour des artistes de moindre notoriété, sachant que Deezer, par exemple, rapporte dix fois plus aux artistes que YouTube, hébergeur web de contenus numériques, dont les audiences des titres exclus de Deezer ont augmenté considérablement. 

 

Cependant, certains artistes, comme la jeune chanteuse Louane, comprennent parfaitement le geste de ces deux chanteuses américaines et vont même jusqu’ à louer ce « coup marketing sublime » réalisé par Adèle. En effet, selon Louane: « un artiste cherche certes à satisfaire son public, mais il cherche en priorité à vendre le plus possible d’albums ». Ainsi l’acte d’Adèle peut-être à la fois vu comme un rejet du streaming, mais se révèle être également au fond une stratégie de vente usant de sa renommée et de son retour sur scène pour dynamiser ses ventes.

 

             1.3. Esquisses de solutions : 

 

Toutefois, l’inquiétude omniprésente des artistes envers leur rémunération, sentiment d’autant plus amplifié par l’arrivée du numérique, a amené à la fois les États mais également les artistes à se rassembler afin d’assurer à tous des droits d’auteur. 

 

Ainsi, en 1851 est créé la SACEM - Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique -, entreprise à but non lucratif chargée d'assurer la collecte et la répartition des droits dus aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qui bien évidemment sont membres au préalable de la SACEM. Responsable de plus de 153 000 auteurs, compositeurs et éditeurs dans le monde, elle représente près de 90 millions d’œuvres du répertoire mondial.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans une société où la mondialisation est un enjeu permanent, les auteurs diffusant leurs œuvres à l’international se voient dans l’obligation d’adhérer à la SACEM afin de garantir leurs droits, de négocier les autorisations de diffusion et de contrôler les usages faits de ses œuvres, s’ils ne veulent pas être rapidement surchargés. De plus, la SACEM peut même apporter du soutien et une aide financière dans un projet de l’un de ses membres. Par exemple, cette entreprise compte parmi ses adhérents d’illustres personnalités françaises telles qu'Edith Piaf ainsi que de manière plus récente, Alexandre Desplat  ou même David Guetta. Jouissant d’une grande renommée à l'échelle mondiale par son ancienneté et son expertise, la SACEM continue chaque jour d’attirer de nouveaux artistes à la fois français et étrangers.

 

Enfin, dans le but de rassurer l’ensemble des acteurs français du marché de la musique en général, le 2 octobre 2015, la ministre de la Culture et de la Communication (Fleur Pellerin) a organisé un conseil rassemblant des syndicats de la SACEM, d’artistes, des plateformes de téléchargement, des producteurs afin de signer un protocole d’accord pour un développement équitable de la musique en ligne. 

 

Cela permet donc de réactualiser l’ensemble des assurances via les droits d’auteurs dont disposent les artistes qui avaient peur d’être victimes de l’essor du streaming musical.  Cet accord, confié par la Ministre à Marc Schwartz, maître-conseiller à la Cour des Comptes, a donné ainsi le protocole Schwartz. Des artistes de la scène française étaient également présents pour fêter ce qui constitue un accord historique pour la filière musicale. 

 

Ce texte engage les signataires, épaulés par les pouvoirs publics, à assurer une répartition équitable des bénéfices provenant des nouveaux modes de diffusion de la musique. On entend bien évidemment par nouveaux modes de diffusion de la musique l’ensemble des nouvelles offres de musique en ligne ayant émergées après l’arrivée du numérique. Les artistes, principaux bénéficiaires de cet accord, se voient garantis d’obtenir dans le futur une rémunération minimale de leurs producteurs en contrepartie de l’exploitation numérique de leurs enregistrements. Le partage des revenus est donc rendu grâce à cet accord beaucoup plus transparent et honnête. Cet accord est même qualifié de « majeur et inédit et bénéfique à l’ensemble de la filière musicale » par la ministre Fleur Pellerin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Données de la SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) sur la structure des revenus de la musique enregistrée en France en 2014

Graphique réalisé à partir de données de la SNEP

© 2016 , Travaux personnels encadrés 1ère 1 , Saint Louis de Gonzague

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